En arrêtant un cardinal de 90 ans le Parti Communiste Chinois montre que son obsession sécuritaire ne connaît pas de limite. Et témoigne d’une méfiance persistante vis-à-vis du pouvoir révolutionnaire de la Bonne Nouvelle.
La nouvelle a rapidement fait le tour du monde : l’arrestation le 10 mai au soir de Joseph Zen Ze-Kiun, cardinal nonagénaire évêque émérite d’Hong-Kong depuis 2009, a choqué l’opinion publique. « Cela fait longtemps qu’un cardinal n’avait pas été arrêté, ni dans un état communiste ni dans un état tout court » remarque Yves Chiron, historien, auteur de plusieurs ouvrages sur la question dont La Longue Marche des catholiques de Chine. Le Saint-Siège a immédiatement fait savoir son « inquiétude » et a annoncé suivre l’affaire avec une « extrême attention ».
Accusé de « collusion avec les forces étrangères » le cardinal est en réalité inquiété pour avoir été un temps administrateur de l’association humanitaire 612, dissoute en octobre dernier, qui a apporté une aide médicale, psychologique, juridique et financière aux manifestants pro-démocratie. Il n’est pas la seule personnalité publique a avoir été placée en état d’arrestation : avec lui figuraient trois autres soutiens de l’association, une avocate, un universitaire et une compositrice. Tous les quatre ont été libérés, sous caution, après 24 heures de détention.
« En arrêtant le cardinal Zen, la Chine pose un acte qui frappe les esprits, remarque encore Yves Chiron. Tout cela peut apparaître comme un avertissement quelques mois avant le renouvellement des accords d’octobre ». Dans cinq mois en effet, le Vatican et la Chine doivent renouveler les accords de 2018, déjà reconduits en 2020, qui visent à mettre fin à soixante-dix années de fracture entre l’Eglise officielle, soutenue par le régime, et l’Eglise clandestine, fidèle au Pape. Par cet accord dont la plus large part demeure secrète, le pape François a reconnu huit évêques initialement nommés par Pékin sans son approbation, tandis qu’au moins deux anciens évêques de l’Eglise clandestine ont été reconnus par Pékin.
A l’époque de la signature, le cardinal Zen s’était illustré par son opposition vigoureuse à ces choix diplomatiques. « Il reste une grande figure de l’Eglise clandestine, même si des interactions existent entre les deux églises : le cardinal s’est ainsi rendu à plusieurs reprises dans les séminaires de l’Eglise officielle pour y enseigner et venir en aide aux futurs prêtres ». Son arrestation est donc un évènement important. « Du côté du Saint-Siège, il est évident qu’on était sceptique sur la portée et la réussite de ces accords. Et même si, d’ici octobre, l’eau a coulé sous les ponts, cela ne va pas inciter à l’optimisme… on peut supposer que de nouvelles garanties seront exigées, au moins quant à la sûreté du clergé. »
A travers l’arrestation de Joseph Zen, ce sont les possibilités de vie de l’Eglise en Chine Communiste qui sont interrogées. « La tentative d’annihiler l’Eglise au moment de la révolution culturelle a échoué, explique encore Yves Chiron, mais le PC souhaite désormais la contrôler. Sous prétexte de « sinisation » on cherche à instrumentaliser. L’information catholique est par exemple étroitement surveillée : il n’y a ni édition, ni presse chrétienne. Faire entrer un ouvrage de théologie en Chine peut être très grave ! La lettre que Benoit XVI avait écrite en 2007 à l’Eglise catholique en Chine avait ainsi été supprimée de l’internet chinois dans les 24H ». Et si la révolution-culturelle a échoué, les tentations ne sont jamais loin. L’effacement de symboles chrétiens, remplacés, y compris dans les églises, par des emblèmes communistes en témoigne. « Cela va loin : la censure bannit toute référence chrétienne. Ainsi, si par exemple dans un conte d’Andersen, le personnage prie, on choisira de traduire par un autre verbe pour nier cette réalité spirituelle ». En Chine communiste, l’idée même de prier demeure révolutionnaire.
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