Au début de l’année 2020, Guillaume Cuchet a consacré à la déchristianisation de la France un livre qui fera surement date : Comment notre monde a cessé d’être chrétien ?, anatomie d’un effondrement. Il s’agit de mettre en lumière l’abandon massif de la foi chrétienne en France après 1945, mais aussi plus largement dans les pays occidentaux au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
Il prend son point de départ dans les études du chanoine Fernand Boulard (1898-1977) qui a dressé en 1947 une carte de la pratique religieuse en France juste avant cette mutation majeure. Ce que nous apprend le travail du Fernand Boulard, c’est que la déchristianisation était déjà en marche depuis longtemps et bien avant les bouleversements qui suivront quelques années plus tard. Nous y voyons aussi qu’elle a des causes souvent anciennes. La christianisation a la mémoire longue mais la déchristianisation l’a aussi. Ses traces sont profondes dans la mémoire des gens (souvenirs de la Révolution française, bouleversements dus aux guerres etc…), ce sont des régions entières qui portent la marquent d’un passé de conflits et d’incompréhension. Le chanoine Boulard nous fait ainsi découvrir une carte de France très disparate composée de terres solidement chrétiennes avec des régions où la pratique pouvait toucher jusqu’à 90% de la population. Etonnamment, ces régions étaient plutôt à la périphérie de la France. A côté, d’autres régions de tradition chrétienne s’étaient fortement déchristianisées. On voit ainsi apparaître une sorte de Y inversé sur la carte de France (partant des Ardennes jusqu’au sud-ouest en passant par le Bassin Parisien, le nord et l’ouest du Massif Central, le Languedoc, la vallée du Rhône et le sud-est). Ces paroisses « indifférentes » Boulard les situe en dessous de 45% de pratique religieuse. Enfin apparaissent des « terres de mission » où la pratique religieuse a très nettement reculé.
Guillaume Cuchet a prolongé le travail du chanoine Boulard en cherchant à discerner certaines des causes de la déchristianisation déjà présente au XXe siècle. Il cite, par exemple, les effets durables de la constitution civile du clergé où les régions ayant eu une majorité de prêtres « jureurs » se retrouvent plus déchristianisées que celles ayant eu de nombreux prêtres « réfractaires », car bon nombre de prêtres ayant accepté la Constitution civile du clergé ont fini, plus ou moins forcés, par quitter la cléricature ou par se marier. Ces régions se sont ainsi retrouvées sans pasteurs, tandis qu’ailleurs l’exemple des prêtres réfractaires menacés de mort réveillait les énergies. Il est intéressant de noter que la répartition des prêtres « jureurs » et « réfractaires » recoupe à peu de chose près la carte de la pratique religieuse établie par Boulard… La 1re guerre mondiale a aussi déchristianisé certains « poilus » venant de terres fortement chrétiennes et se retrouvant au contact d’hommes ayant perdu toute pratique religieuse, mais d’autres phénomènes ont agi en sens contraire (des français éloignés de l’Eglise découvrant des prêtres courageux et ouverts). Les vagues d’immigration qui se sont succédées ensuite sur le sol national n’ont pas eu les mêmes influences, tout dépendait évidemment de la foi des populations qui sont arrivées…
Se fixant sur le travail du chanoine Boulard, comme sur un point de repère avant l’effondrement, Guillaume Cuchet s’attache à comprendre le bouleversement religieux qui a suivi. Pour lui le point de basculement se situe en 1965 et il en dégage trois causes majeures : le concile Vatican II, le décrochage des jeunes et les mutations sociologiques.
1 – Le concile Vatican II (ou son interprétation), tout d’abord, a déboussolé beaucoup de pratiquants par un changement de discours : la fin de l’insistance sur la pratique obligatoire, une forte dépréciation de la piété populaire, certaines modifications liturgiques (fin du latin, tutoiement de Dieu, communion dans la main), un très large déclin de la « pastorale des fins dernières » (le rituel enterrement et la prière pour les morts). Beaucoup ont été perdus par ces changements ou touchés par l’instauration d’un certain « relativisme» qui les a fait fuir.
2 – L’auteur constate ensuite un effondrement de la pratique des jeunes à partir aussi du milieu des années 60. Si les causes de l’éloignement des 15-25 ans sont complexes et pas forcément faciles à saisir, soulignons toutefois trois pistes : outre les suites de Vatican II, dont nous venons de parler, il y a surtout mai 68 et son mouvement libertaire (« interdit d’interdire », tout est permis) et enfin le fait que les mutations entraînées par la modernisation de la société a été de pair avec une explosion de ce que l’on appelle « l’adolescence », qui était jusque-là l’apanage des seules classes bourgeoises.
3 – Enfin il souligne les mutations sociologiques de cette période :
– C’est la fin de la France rurale, qui a vécu autour de son clocher. Les campagnes se vident, les banlieues explosent. Le catholicisme Français a perdu ses racines profondes et son encrage central qui était rural. Le cardinal Lustiger soulignait sur ce point dans sa lettre pastorale du 19 juin 2003 qu’ « au moment où l’acte de décès de la France rurale des siècles passés est inscrit dans les faits, le concile Vatican II s’achève. Bientôt le district de Paris donnera naissance à la région Ile de France, avec de nouveaux diocèses correspondants. » La France a changé de visage. Cette France chrétienne et rurale « a eu sa grandeur, sa fécondité et aussi ses faiblesses » mais « il suffit de traverser la région Parisienne dans toute son épaisseur, sur cent kilomètres d’est en ouest ou du nord au sud pour prendre la mesure des mutations vécues en si peu de temps ».
– Une moindre démographie des familles catholiques qui se signalaient jusque-là par une plus forte fécondité. Cuchet souligne là un point intéressant : le baby-boom de l’immédiat après-guerre n’a pas généré des familles très nombreuses, il a plutôt été le fait de familles touchées par des idées malthusiennes depuis au moins les années 30 et qui ont eu, dans l’euphorie de la Libération, un ou deux enfants de plus. Dans cette période, les familles catholiques plus ouvertes à la vie ont eu tendance, elles, à avoir moins d’enfants, donc cela a entraîné mathématiquement une diminution du nombre de jeunes chrétiens convaincus.
– Enfin nous retrouvons les effets religieux variables liés aux vagues d’immigration dont nous avons déjà parlé.
Devant les faits que nous présente Guillaume Cuchet, on peut être pris de vertige et se demander si nous ne sommes pas les derniers spécimens d’une espèce en voie de disparition. Pourtant contrairement à Cuchet, le cardinal Lustiger soulignait avec conviction ; lors d’un discours à l’université d’Augsbourg le 17 novembre 1989, que nous n’étions que dans les commencements de l’ère chrétienne.
Il explique que l’Occident, et sans doute le monde entier, est arrivé aujourd’hui face à de telles questions qu’il est devenu pour lui-même une énigme et que seul l’avènement du Christ pourra lui permettre d’avancer et de trouver des réponses. Là se trouve l’incroyable nouveauté du Christ qui ne cesse de travailler notre histoire humaine. Et le cardinal Lustiger de lancer : « La culture contemporaine ne scelle pas la fin de la religion et donc du christianisme. Elle en propose plutôt des ébauches et des essais pour pressentir des commencements. »
Dans l’introduction à son ouvrage Guillaume Cuchet s’interroge de manière fort intéressante sur le terme de « déchristianisation ». Il souligne que c’est un terme qui a été inventé en 1860 par Mgr Dupanloup évêque d’Orléans. C’est donc un terme récent, non dénué d’ambiguïtés. En parlant de déchristianisation ne risque-t-on pas de tomber dans la nostalgie d’un âge d’or imaginaire ? S’il y a « déchristianisation » y a-t-il eu avant une vraie société chrétienne. Dans les années 1940-1950, l’engouement pour ré-évangéliser ce que l’on appelait « les terres de mission », s’il portait de nobles désirs et un vrai zèle apostolique, n’était pas exempt d’une certaine naïveté, on croyait qu’on allait pouvoir reconquérir le terrain perdu et faire le plein des paroisses, d’où la déception qui a suivi assez vite et l’insistance à partir de ce moment-là sur le « témoignage silencieux », l’enfouissement, qui ont grandement contribué à faire disparaître tout élan réellement missionnaire.
Arrivé à ce stade, Guillaume Cuchet rappelle cependant qu’il faut bien trouver des mots pour parler de cette immense rupture amorcée au milieu des années 60… On ne peut pas passer à côté sans s’en émouvoir. Comme Jean-Baptiste, qui se dit l’ami de l’époux dans l’évangile de saint Jean, nous ne pouvons pas ne pas souffrir de constater que le Christ, l’Epoux, soit moins aimé. Il ne faut, certes pas s’attacher exclusivement aux chiffres mais les évangiles nous apprennent aussi le grand souci du Christ pour la moindre de ses brebis qui se perd.
Essayons donc de mieux comprendre cet effondrement du christianisme, en utilisant la grille de lecture fournie par Guillaume Cuchet et par ailleurs ce que nous dit le cardinal Lustiger de notre époque.
La cause principale qu’avance Guillaume Cuchet pour expliquer la déchristianisation est le concile Vatican II. L’argument sur lequel il s’appuie est assez simple : le décrochage massif coïncide avec l’immédiat après-concile. Cuchet admet aussi l’influence de causes sociologiques mais il s’attarde beaucoup moins sur elles, alors que le cardinal Lustiger, lui, est très mobilisé sur le sujet. Mais ce dernier les voit davantage comme un nouveau défi pour l’évangélisation.
Le pape Jean XXIII avait initié le concile Vatican II, que désiraient déjà ses prédécesseurs, pour relancer l’évangélisation dans ce monde en profonde mutation qui s’éloignait de Dieu. Paul VI a poursuivi dans la même direction. Il a approfondi une ecclésiologie de communion en mettant à l’honneur la place et le rôle des laïcs. Il a tenté d’insuffler un nouveau souffle à l’œcuménisme et au discours interreligieux, à l’héritage judaïque. Il a ouvert la voie à une réforme de la liturgie. Il a voulu, notamment dans Dei Verbum, accueillir le meilleur de la rigueur scientifique de la modernité, tout en tenant fermement la foi de l’Eglise. Il a voulu aussi une ouverture au monde qui devait faciliter le rayonnement de l’Eglise.
Or au bout du compte, on pourrait croire que c’est l’inverse qui est arrivé. Nous avons déjà énuméré les domaines où des applications maladroites ont abouti à une cassure où beaucoup se sont éloignés.
A titre d’exemple, arrêtons-nous un moment sur la réforme liturgique. Les pères conciliaires ont eu à cœur de rendre le mystère eucharistique plus proche des fidèles. Mais, touchant au cœur du cœur de la vie de l’Eglise, la tâche était ardue. Comme l’a écrit le cardinal Journet : « l’eucharistie est la raison d’être de la permanence de l’Eglise dans l’espace et dans le temps jusqu’à la parousie ». Et la réforme de 1969, voulue par les pères conciliaires et ensuite menée par un groupe d’experts, s’est révélée maladroite dans son application, et bien souvent, désastreuse dans ses conséquences. Les changements étaient trop brusques et brutaux : abandon du latin, prêtre face au peuple, les temps de silence et de parole profondément changés, l’aménagement des églises bouleversé, etc… Cela a abouti des destructions malheureuses qui ont blessé beaucoup de fidèles, un mobilier et des ornements laids et vulgaires, une désacralisation systématique dans beaucoup de cas. On a même vu dans les séminaires des commissions liturgiques qui réinventaient pour chaque messe les textes de la liturgie…
Ces dérives ont eu un impact immense sur le peuple chrétien. Beaucoup ont souffert, certains se sont opposés en cherchant une issue dans la séparation, mais surtout beaucoup, déboussolés, ont déserté les églises.
Comme en bien d’autres domaines du concile, il y a eu un décalage entre la volonté des pères conciliaires et la manière dont bien des églises locales ont appliqué les réformes adoptées. Le cardinal Josef Ratzinger, qui était expert au concile, constatait ce décalage en rentrant en Allemagne lors des intersessions :
D’une fois sur l’autre à mes retours de Rome, je trouvais l’atmosphère de plus en plus effervescente dans l’Eglise et parmi les théologiens. On avait de plus en plus l’impression que rien n’était stable dans l’Eglise, que tout était à revoir. Le concile apparaissait de plus en plus comme un grand parlement d’Eglises capable de tout modifier et de tout modeler à sa manière. […] Si j’étais rentré dans mon pays encore porté par le sentiment du joyeux renouveau qui régnait partout à la fin de la première session conciliaire, je m’inquiétais aussi du changement de climat de plus en plus flagrant dans l’Eglise.
Derrière les textes du Concile, il y eut ce qu’on a appelé l’ « esprit du Concile », au nom duquel on pouvait aller beaucoup plus loin et rejeter la tradition antérieure. Le Cardinal Ratzinger, devenu le pape Benoit XVI, a compris que la question n’était pas d’être pour ou contre le Concile, mais de savoir avec quelle herméneutique on l’abordait : certains ont vu Vatican II comme une rupture, à partir de laquelle commencerait une ère nouvelle, et d’autres ont fait au contraire le pari d’une « herméneutique de continuité ou de la réforme ».
Les tenants de la discontinuité affirmaient que « les textes du concile, comme tels, n’étaient pas encore la véritable expression du concile, [ce dernier se trouvant] dans les élans vers la nouveauté qui apparaissent derrière les textes. » Pour eux, le concile n’était pas allé assez loin. C’est pourquoi ils prêtaient peu d’attention aux textes et se permettaient au nom de cet « élan de nouveauté » bien des remises en cause de la doctrine et de la pratique l’Eglise qui se révéleront fort dommageables pour la suite.
Dans l’autre perspective au contraire, on pense que le Concile a voulu exprimer de façon nouvelle des vérités déjà portées par la tradition de l’Eglise, mais insuffisamment perçues et comprises et que c’est pour cela qu’il s’est engagé dans une réflexion nouvelle. Les Pères conciliaires ont risqué une synthèse à nouveaux frais entre la foi de toujours et les questions d’aujourd’hui. Ils ont cherché à sortir des positions bloquées et à ouvrir des pistes, mais c’est bien la même Vérité dont il s’agissait, transmise de main en main depuis les Apôtres. Dans cette perspective, le véritable esprit du Concile se trouve dans les textes mêmes qu’il a élaborés. Ceux-ci sont à relire en les resituant dans la Tradition de l’Eglise, ce qui n’enlève rien à leur audace.
Il y eut, il est vrai, la tentation chez certains de faire du Concile une tribune et d’appeler de leurs vœux un fonctionnement plus « collégial » de l’Eglise, ce qui aurait voulu dire une réforme en un sens parlementaire, le pape Paul VI a vécu cette dérive possible, jusque dans sa chair. Ce n’est pas pour rien qu’en plein Concile, alors même que les pères travaillaient sur la constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium, le pape a publié également une encyclique sur l’Eglise, Ecclesiam Suam : il voulait rappeler que l’Eglise instituée par le Christ avait un mode de fonctionnement qui n’était pas démocratique et qui s’imposait aussi aux pères conciliaires. Que si le Concile ouvrait de nouvelles perspectives, il restait à « l’école » de ce que le Christ a institué.
Quelques années plus tard, Paul VI, voyant les multiples applications désastreuses du Concile (citons par exemple le fort problématique « catéchisme Hollandais » de 1966) et, de fait, la défection massive que cela engendrait, voulut aussi réaffirmer la foi de l’Eglise par son Credo du Peuple de Dieu, acte courageux et prophétique, qui annonçait que la confession de la foi restait toujours d’actualité.
Il n’est donc pas question dans ce contexte de nier l’impact de Vatican II (ou plutôt ce qu’on en a fait) sur la déchristianisation des pays développés dans les années 60, mais ce facteur est loin d’être le seul. il faut aussi s’attacher à comprendre une seconde cause qui a accéléré le processus, qui est la « sécularisation », compris comme éloignement progressif de la référence à Dieu et au sacré au profit d’une auto-réalisation de l’homme, lequel n’a plus besoin de la béquille de la foi pour penser, agir et choisir ses valeurs. C’est une tendance de fond, dont les racines remontent à la fin du Moyen Age, mais qui s’est considérablement accéléré à la période contemporaine.
Le monde de l’après 45 est un monde qui se polarise : il y a d’un côté une société que l’on dit « libre », qu’il faudrait plutôt définir comme inspirée par le libéralisme et livrée à la consommation de masse et, de l’autre, le monde communiste, dominé par le système soviétique qui prend la forme politique d’une dictature. Bien que fort différents ces deux mondes se rejoignent dans une foi commune dans le progrès technique et un éloignement par rapport aux valeurs religieuses. Ces deux modèles de société sont des sociétés matérialistes. Si l’univers communiste s’accompagne de multiples restrictions aux libertés, voire d’atteintes aux droits de l’homme et si la liberté religieuse y est inexistante, dans « le monde libre », il n’y a pas de persécutions directes, mais le matérialisme y règne aussi à travers une incitation toujours plus pressante à consommer. L’installation d’une société de confort détourne puissamment l’homme des horizons de la foi. Noyé dans la recherche de biens intermédiaires, l’homme pense de moins en moins au sens profond de sa vie et à sa relation avec Dieu. A la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, l’essentiel du monde communiste s’est effondré en laissant le capitalisme se développer. Guillaume Cuchet parle peu de ce développement de la société moderne. Le cardinal Lustiger, lui, en parle d’avantage mais, au lieu d’étudier l’effet qu’il produit sur la déchristianisation, il s’attache plus aux nouveaux challenges qu’il apporte pour le rayonnement de la foi. Il n’est pas non plus beaucoup question de l’Islam et de la nouvelle donne qu’il apporte dans le débat.
Olivier Rey souligne dans son essai, Une question de taille, le paradoxe qui se résume ainsi : « quelques années d’activité industrielle actuelle représentent davantage, en quantité, que tout ce qui a été produit par l’humanité entière jusqu’en 1945 », « mais pour aboutir à un degré de bonheur qui ne semble pas bien supérieur, et paraît même inférieur, si on y ajoute la déception de tant (d’efforts dépensés) à s’employer pour parvenir à des résultats si modestes. ». Pour lui le mot caractérisant le mieux l’état mental des hommes de notre temps, c’est « l’amertume ».
Les penseurs de la première moitié du XXe siècle ont vu arriver cette société de consommation et les problèmes qu’elle allait poser. Georges Bernanos, par exemple, disait « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure ». Henri Bergson quant à lui, voyant l’avènement de la société de la technique arriver, dira que, pour que l’homme fasse un bon usage des moyens immenses qu’il a désormais à sa disposition, il faudrait de sa part « un supplément d’âme ».
Le travail de Guillaume Cuchet nous montre bien que ce n’est pas ce supplément d’âme qui est advenu, mais bien plutôt un effondrement religieux de grande ampleur.
Dans ce sens, le pape Jean-Paul II dresse ce constat à la fin de son pontificat:
La culture Européenne donne l’impression d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas […] Nous sommes là devant l’apparition d’une nouvelle culture, pour une large part influencée par les médias, dont les caractéristiques et le contenu sont souvent contraires à l’évangile et à la dignité de la personne humaine.
Ce bilan établi pour l’Europe pourrait être étendu aux autres pays développés. On pourrait se consoler en pensant que l’Eglise est en progression assez importante dans certaines zones du monde (Afrique, Asie, Amérique Latine), mais hélas on constate que les pays en voie de développement ou plus pauvres, restant souvent plus ouverts au sentiment religieux, aspirent par ailleurs à ce modèle de vie qu’ils voient s’étaler dans les sociétés développées, sans se rendre compte des difficultés spirituelles qui l’accompagnent.
Aujourd’hui, les fondements de la modernité semblent être dépassés. Le modèle de vie de quelques pays très développés n’est pas transposable au monde entier qui n’a pas les ressources pour atteindre un tel niveau de vie. De plus notre planète montre des signes d’essoufflement. Une nouvelle manière de vivre est à réinventer.
Le pape Benoit XVI écrivait encore en 2010 : « le concile Vatican II n’est toujours pas reçu ». L’Eglise semble toutefois s’être pacifiée et éloignée des excès de l’après concile. Une première réception s’est donc produite. Mais si pour Benoit XVI il n’est toujours pas reçu c’est qu’il n’est pas suffisamment lu, étudié et médité par les chrétiens et cela dans une juste herméneutique où le concile s’inscrit au cœur de la Tradition de l’Eglise.
La profonde remise en question que vit aujourd’hui notre monde pourrait être une opportunité pour une nouvelle évangélisation. Un nouveau rapport au concile Vatican II, plus particulièrement, un nouveau rapport des chrétiens au concile pourrait aider le peuple de Dieu à être, d’une manière renouvelée, « ce signe de contradiction » dont le monde a tant besoin.
Gatien HAVET
Au moment de conclure cet article, deux sondages paraissent sur la pratique religieuse. La principale conclusion de ces sondages c’est que moins d’un Français sur deux (49%) a déclaré croire en Dieu. Nous voyons donc la déchristianisation toujours progresser. Que nous apprennent encore d’autres ces enquêtes ? Tout d’abord que si, sans surprises, les personnes de plus de 65 ans sont les plus pratiquantes on constate toutefois une légère hausse de la pratique des jeunes. Il serait intéressant d’approfondir ce sujet pour savoir dans quelle mesure cela concerne les chrétiens ou plutôt l’islam. Autre enseignement, les partis politiques plus anciens et « classiques » tels que les républicains ou le PS sont les partis où il y a le plus de croyants, alors que les partis plus récents ou aux positions plus marquées tels que les verts ou le rassemblement national attirent beaucoup moins de croyants.
Il faut aussi noter que l’enquête faite pour la revue Mission nous laisse parfois perplexe sur des questions qui n’ont peut-être pas été comprises par les personnes sondées. Ainsi, par exemple, 51% répondent ne pas être en « quête spirituelle », mais quand on pose cette question aux personnes ayant une appartenance religieuse, 29% répondent de manière négative…
La deuxième partie de l’enquête faite pour la revue Mission est aussi intéressante. Elle sonde ceux qui se revendiquent missionnaires dans l’Eglise. Même s’il ne faut pas toujours chercher à faire du chiffre, il est dommage que l’importance numérique de ce groupe ne soit pas connue. Le sondage a été fait sur un échantillon de 1310 personnes présentant un profil de missionnaire. Ces croyants ne sont plus croyants par convenance sociale. Ils ont une foi trempée et exigeante : messe le dimanche mais aussi en semaine, temps de prières chaque jour, témoignage et annonce fréquente de la foi. Il pourrait permettre à une nouvelle évangélisation de se lever. En laissant, par eux, le Christ toucher à nouveau les cœurs.
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