Le film Novembre de Cédric Jimenez traite du début de l’enquête sur les attentats de Paris de 2015 et de la traque des terroristes. Après Bac Nord en 2020, que nous avions chroniqué ici https://www.revuemission.fr/la-claque-bac-nord/ , ce long-métrage est une nouvelle démonstration de la capacité du jeune réalisateur à rendre compte du réel. Et un excellent moyen de poser de bonnes questions.
Dans ce cinéma du 14e arrondissement à Paris, durant les premiers jours de sortie, toutes les séances de Novembre sont complètes. Le public, de tout âge, s’est décidé massivement à voir un film sur les attentats qui ont ébranlé Paris, de la valeur sûre qui a explosé au box-office avec Bac Nord. Attentes satisfaites : casting cinq étoiles, scénario palpitant, montage précis scandé par les panneaux indiquant le jour de l’action, Novembre est d’abord un bon film où l’on ne s’ennuie pas. Mais ses vertus dépassent le bon moment au cinéma. Choisissant un sujet douloureux, Cédric Jiménez a résolu d’angler son film sur le courage de l’action, plutôt que sur l’horreur des attentats.
Après une séquence préliminaire de course-poursuite à Athènes, le film aborde rapidement et sobrement les attaques en elles-mêmes, retranscrivant le caractère soudain et confus de leur déroulement – au milieu d’une soirée de match de l’Equipe de France de football – au moyen de plans courts et suggestifs pour les spectateurs qui ont encore le souvenir de la chronologie de ces événements traumatiques. Car le cœur de l’intrigue se concentre sur les premiers moments de l’enquête, alors qu’on ne sait pas combien de terroristes sont dans la nature. C’est cet épisode peu connu de l’histoire des attentats de Paris que nous expose le film. On en retire deux leçons marquantes : la prise de conscience que les terroristes voulaient frapper à nouveau juste après l’attentat, et le fait que la découverte du terroriste a tenu à des détails, comme ces baskets de couleur flashy qui ont tissé un ténu fil rouge pour remonter la piste d’Abaaoud.
Sans aucun commentaire, devant le nihilisme meurtrier qu’est le terrorisme islamiste, la distinction entre le bien et le mal se montre nettement. Si le film évoque très peu les victimes de l’attentat, un rapide passage sur le témoignage d’une rescapée, expliquant comment un djihadiste l’a visée sans succès puis a rechargé son arme pour à nouveau la viser, est glaçant par la haine gratuite qu’il révèle. Le film ne défend ouvertement aucune thèse, mais n’édulcore pas non plus les motivations mortifères des islamistes. Durant l’un des interrogatoires, l’on voit ainsi un djihadiste expliquer aux policiers avec délectation que ses « frères » s’en prendront à leurs enfants.
Dans ce combat, le film de Jimenez montre bien que chacun peut choisir son camp, sans déterminisme ni fatalité. Les membres de la police d’origine maghrébine en infiltration dans les mosquées ou en filature dans les quartiers hautement islamisés en témoignent, de même que le personnage de « Sonia » qui décide de dénoncer les terroristes qu’elle a rencontré par le biais d’une amie proche. Le film met ainsi en lumière le fait que face à la violence terroriste, le choix du Bien relève de chacun.
Dans cette optique, il semblerait cependant que le réalisateur ait légèrement édulcoré la réalité autour du personnage de « Sonia ». Dans la vraie vie, en effet, la femme qui l’a inspirée s’est opposée plus résolument à la violence islamiste. Assistante sociale et mère de trois enfants, elle a choisi une vie donnée et courageuse au cœur de la cité où elle vivait, sans tenir compte des pressions. Peut-être pour des raisons de tension dramatique, C. Jiménez a cependant choisi d’en faire un personnage de femme hésitante et troublée, mais le portrait qu’il en fait se révèle ainsi assez éloigné de la réalité. Inattendu pour un réalisateur dont le souci du réel est la marque de fabrique.
En miroir de ce personnage lumineux, le mal dans lequel s’enferre son amie, la cousine du terroriste, se perçoit dans l’une des dernières scènes, sommet de tension et chef d’œuvre de film d’action comme sait si bien les réaliser Cédric Jimenez. C’est l’épisode de l’assaut, que la prestation bouffonne du logeur Jawad a éclipsé au moment des faits. Dans la version de Jimenez, on ne voit plus alors les personnages mais leurs revendications haineuses hurlées, rappelant à quel point le fanatisme islamique enferme. Le cri désespéré et ambigu de l’un des protagonistes, informe du drame final d’une humanité qui s’est perdue et le réalise peut-être… trop tard.
Dans cette dernière scène, où les terroristes enfermés dans leur appartement choisissent de se faire exploser de l’intérieur, c’est l’absurdité d’une théologie mortifère qui saute aux yeux. L’image est terriblement efficace. Comment la prétendue recherche de Dieu a t-elle pu mener à une situation si morbide ? L’on serait tenté à la sortie du film de poser la question que posait déjà le dominicain Adrien Candiard dans son ouvrage Du Fanatisme consacré à l’islamisme : si le problème dans tout cela n’était pas d’abord l’ « excès de religion »… mais avant tout l’absence de Dieu ? Comme tous les Français, avec ce film, les chrétiens constatent la présence du Mal et comprennent, à travers les protagonistes s’opposant aux terroristes, qu’ils sont eux aussi appelés à y résister ; à eux de montrer en sus, face à l’usurpation, le vrai chemin vers Dieu.
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